Cette rénovation possède un côté familial bien marqué : la ferme appartenait aux arrières-grands-parents de l’actuelle propriétaire, dont la sœur n’est autre que Anne Stevens, du bureau Djâke, l’architecte chargée du projet avec son associé Egil Franssen.
La grange, à l’abandon depuis plusieurs années, est l’élément principal d’un ensemble comprenant une écurie, une étable et une petite habitation dans laquelle les maîtres d’ouvrage ont vécu durant le chantier. Deux objectifs : donner une seconde vie à ces bâtiments, et obtenir une maison au confort actuel, tout en respectant autant que possible les caractéristiques initiales.
Le chantier démarre en 2016 avec la démolition de l’étable. Ces pierres (ainsi que les pierres enlevées aux murs pour créer les baies vitrées) seront récupérées et participeront à reconstruire les abords. L’espace libéré servira à la future terrasse. La toiture est complètement démontée. Les murs en pierre sont stabilisés et rejointoyés comme à l’origine, à l’aide de mortier de chaux. Les corps de métier ont d’ailleurs été sélectionnés avec rigueur. Une expérience dans la mise en œuvre de matériaux spécifiques, la capacité du travail « à l’ancienne » et une sensibilité aux matériaux traditionnels étaient des prérequis avant d’aborder ce chantier.
Une structure métallique interne est construite pour redresser et stabiliser les murs. Elle servira également comme point d’appui pour les futurs planchers. Le volume intérieur est alors pratiquement vide jusqu’au faîte sur une hauteur de plus de 10m. La création de grands plateaux traversants (les espaces de vie) permet de valoriser au maximum l’ampleur du bâtiment. Comme le précise Anne Stevens : « Si les propriétaires avaient voulu des cloisons partout, ils auraient acheté une maison traditionnelle. » Les espaces de services : cuisine, salles de bain, chaufferie sont rassemblés au sein d’une « boîte » technique, traversant les plateaux de haut en bas et séparant les pièces de vie de l’escalier menant aux étages.
Afin de conserver son caractère visuel imposant, la grange n’a pratiquement pas été modifiée côté rue. Les prises de lumière se font par la face sud, orientée vers les jardins. Une grande baie vitrée est creusée à l’arrière, afin d’inonder de lumière l’intérieur de l’habitation.
Selon le principe des poupées russes, une nouvelle enveloppe en ossature bois est réalisée à l’intérieur du volume existant. Elle concrétise les nouvelles limites de la maison et permet de manière originale de générer un volume extérieur couvert à l’intérieur même de la grange. Mais comment isoler ce volume au sein d’une ancienne bâtisse en pierre ? L’architecte se met à la recherche d’un produit naturel qui peut réguler l’humidité, tant des activités de la maison, que celle provenant des murs extérieurs. Puis c’est la découverte du béton de chanvre projeté. Composé de chanvre (une plante cultivée localement et aux nombreuses qualités) et de chaux, cette solution apparaît comme une évidence.
« Le produit est projeté par une machine directement sur le mur intérieur. Donc la mise en œuvre est simple. Ses propriétés d’isolation acoustique, thermique et de régulation de l’humidité sont excellentes. Et l’absence de vide ventilé permet de gagner en isolation et d’éviter une coulisse difficile à ventiler. » Les 25 cm de béton de chanvre sont finis sur l’ensemble des parois intérieures par un enduit à la chaux, naturellement respirant, laissé en couleur naturelle qui rappelle la tonalité de la pierre, avec un côté chaleureux. L’architecte et les maîtres d’ouvrage pousseront le sens du détail jusqu’à choisir la granulométrie du sable du Rhin intervenant dans la composition de l’enduit. Le même soin a été apporté au choix des autres matériaux, avec toujours un accent sur le local et le naturel.
Le sol de la grange étant construit sur de la roche, il a fallu rehausser le niveau du rez-de-chaussée de 12 cm, afin de pouvoir l’isoler avec du polyuréthane projeté, recouvert d’une chape de béton lissé. En toiture, la couverture d’ardoises naturelles est fixée sur des panneaux de fibres de bois, et isolée avec 30 cm de cellulose soufflée, à l’abri d’une membrane d’étanchéité.
« Modularité » est le maître mot des étages. Les volumes de la suite parentale (composé d’une chambre, d’une salle de bain et d’une chambre polyvalente), mais surtout les chambres des enfants peuvent en effet être modifiés via des parois coulissantes. Une approche pleine de sens, basée sur l’évolutivité du logement au cours de la vie.
Le chauffage fait appel classiquement à une chaudière à condensation. Une VMC évacue l’humidité des salles de bain et cuisine, et les châssis en double vitrage sont en afzelia lasuré en noir, comme les bardages décoratifs des installations extérieures. Des châssis dotés de protections solaires automatiques, afin de réguler l’apport solaire au sein de l’enveloppe intérieure.
Un projet attentif aux moindres détails (76 réunions de chantier ont eu lieu), marqué par une grande confiance des clients, ce qui a permis à l’architecte d’expérimenter de nouvelles techniques dans le respect de l’existant.